Citation : " (...)Viennent ensuite les nourrices (images de la terre nourricière), assises dans un fauteuil d'osier et allaitant  un ou deux enfants. Ce "lien du lait" est unique dans l'Occident romain, et typiquement gaulois." 

Maurice Franc "Les figurines de terre blanche de l'Allier" Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbonnais, 1er trimestre 1990

Matercula

Ce texte de Matercula a obtenu

la 9e place

du Concours de Nouvelles 2019

organisé à Avermes (03000) conjointement par

La Passerelle (médiathèque d'Avermes)

et

L'Atelier Patrimoine de l'Avca.

Mg 8951

Photo : Dominique Boutonnet

 

Ce texte est la propriété de son auteur.

Aucune utilisation ne peut être envisagée

sans avoir obtenu au préalable son accord.

Un texte de Matercula

  

 

AMITIE SANS FRONTIERE.

 

 

Marcus rêvait. Rêvait-il ?

* *

*

Il conversait avec Lucius, son ami.

Que de conversations et de jeux il avait partagés avec lui !

Cela faisait longtemps qu'ils se connaissaient. Depuis que Marcus était tout petit.

Que de fois ils avaient batifolé au milieu des marsouins, des requins, des baleines ! Que de fois ils avaient fait la course à dos de dauphins ! Que de fois ils avaient abordé dans des îles désertes !

Mais la véritable histoire de Lucius, il la connaissait depuis peu. C'est son nouvel ami Auguste, arrivé récemment dans son école, qui la lui avait apprise : Lucius, le chevaucheur de dauphin, était un petit gallo-romain, né chez les Arvernes.

Dès lors les jeux et les conversations de Marcus et de Lucius avaient pris un autre tour. Et Auguste y participait souvent.

Ainsi ils avaient appris à jouer au « jactus », un jeu de dés romain. Ils s'étaient initiés à la cuisine romaine et se régalaient des recettes d'Apicius, en particulier celle des dattes farcies d'une noix et caramélisées au miel (les fameuses «dulcia domestica»), Ils imaginaient aussi des expéditions : tantôt c'était à Gergovie et chacun rêvait d'être Vercingétorix ; tantôt c'était à Alésia et c'était bien triste...; souvent c'était au large de l'Armorique, chez les Vénètes, ce qui permettait d'associer au jeu Delphinus (c'est ainsi qu'ils avaient nommé le dauphin de Lucius). Lucius. . Lui aussi avait été "baptisé" par les deux copains d'école. Marcus avait choisi ce nom pour sa ressemblance avec son deuxième prénom à lui : Luc.

Si Auguste avait appris tant de choses à Marcus sur leur ami Lucius, c'est que, dans l'école où il était auparavant, il avait un maître passionné par l'histoire locale, particulièrement à l'époque antique. Le maître avait emmené ses élèves sur les sites archéologiques de la région et dans les musées et il leur avait fait découvrir la vie quotidienne des gens de cette époque.

Auguste avait expliqué à son ami que la statuette de l'enfant chevauchant un dauphin ressemblait

beaucoup à d'autres statuettes de terre blanche qu'il avait vues dans les musées visités avec son maître.

Dès lors, cet objet qui avait bercé l'enfance de Marcus, qu'il avait toujours vu trôner sur la cheminée de sa grand-mère, prit pour lui un autre intérêt. Jusqu'à ce jour c'était pour lui un joujou, fragile et précieux, qu'on lui prêtait dans les grandes occasions : quand il était malade, quand il avait un gros chagrin ... Et le joujou se mêlait alors aux figurines "Juratoys" de Marcus.

Mais désormais ... Quelle était l'origine de la statuette ? se demandait-il. Comment et quand était-elle arrivée chez ses grands-parents ?

Marcus interrogea sa grand-mère qui lui dit que son grand-père l'avait trouvée dans un champ, près de Chantelle-la Vieille, lorsqu'ils habitaient là-bas. C'était d'ailleurs à la suite de cette découverte que le grand-père avait offert un dauphin en peluche à son petit-fils et s'était amusé à surnommer « Marcus » le bébé dont le véritable prénom était « Marc ».

 

Tous ces renseignements confortèrent Auguste dans sa conviction : la statuette de la grand-mère de

son ami était bien une statuette gallo-romaine, de celles fabriquées à Toulon-sur-Allier : Chantelle-la-Vieille (l'antique Cantilia) était connue comme site archéologique. Et le grand-père ne s'y était pas trompé

Nos archéologues en herbe continuaient leurs jeux et leurs recherches ; ils finirent par exciter la curiosité d'Aurélia, une élève de leur classe dont tous recherchaient l'amitié. Elle était si jolie… une vraie Vénus avaient décrété les deux amis.

Elle fut donc admise dans leurs jeux. Parfois, pour lui faire plaisir, on jouait à la poupée [pupa] : Lucius était le bébé ; parfois, pour plaire à Auguste, on rejouait l'histoire d'Arion, sauvé par un dauphin ; parfois on se permettait des anachronismes et on sauvait Delphinus du parc d'attraction où il était retenu prisonnier (dans le genre « Sauvez Willy » !) … Et tous les trois rêvaient de se rendre à l'école à dos de dauphin comme cet adolescent dont parle Pline l'Ancien !

Un jour, la grand-mère de Marcus appela son petit-fils et lui dit : « Tu es grand et soigneux maintenant ; je sais que tu aimes particulièrement cette statuette trouvée par ton grand-père ; je te la donne ; je sais que tu en feras un bon usage ».

*

* *

 

Marcus rêvait. Rêvait-il ?

II avait accompagné au cimetière une délégation d'élèves de son école. Sous son blouson, il cachait quelque chose. Il s'était attardé devant la fosse ouverte.

Un dauphin monté par deux enfants s'éloignait sur des eaux troubles, celles de I' Elaver [l'Allier] ? ou du Styx ?. . Puis il déboucha dans une mer bleue aux rivages semés d’asphodèles. Les deux enfants, se retournant, lui adressèrent un signe de la main.

Et la petite fille souriait...

 

FIN

 

 

Ajouter un commentaire