Citation : " (...)Viennent ensuite les nourrices (images de la terre nourricière), assises dans un fauteuil d'osier et allaitant  un ou deux enfants. Ce "lien du lait" est unique dans l'Occident romain, et typiquement gaulois." 

Maurice Franc "Les figurines de terre blanche de l'Allier" Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbonnais, 1er trimestre 1990

CLAIN Marjorie

 

Texte : Clain Marjorie

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Mère du peuple.

 

Venus protectrice photo dominique boutonnet

 

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Autrefois, j'étais adorée, quasiment vénérée par les Hommes. On m'offrait toutes sortes de choses en échange de protection ou de vœux exaucés. On érigeait des temples en mon nom, en ce temps-là, on me craignait tout autant que l'on me glorifiait.

Cela dit, je pouvais me montrer plus généreuse envers les femmes et les jeunes filles, je les prenais sous mon aile, littéralement, Mère de toutes les mères, Marraine de toutes les filles, je veillais sur elles. En général, les femmes inquiètes de leurs fécondités s'adressaient à moi.

Il m'arrivait toutefois de faire des exceptions quant aux hommes, mais uniquement quand ils avaient de bonnes intentions. Nul ne pouvait me mentir ni me cacher un cœur plein d'égoïsme et de mauvaises arrière-pensées. J'ai puni la violence envers les femmes et récompensé la douceur et la bienveillance, contrairement aux hommes, je ne les classais pas par catégories. Les élites, les esclaves... Cela n'avait aucun sens pour moi, mais je n'avais pas le droit, ni la possibilité d'intervenir.

Cependant, les miracles dans mes domaines de prédilections étaient si incroyables que l'on vendait des statues à mon effigie partout. Plus la peine d'aller aux sanctuaires, j'étais entrée dans leurs foyers. Leurs attentions et leurs reconnaissances me suffisaient. Je les regardais évoluer, je voyais leurs familles s'agrandir, leurs connaissances s'accroître, bâtir des monuments de plus en plus impressionnants. Plus le temps passait et plus leurs ambitions progressaient et enfin, de moins en moins ceux-ci se contentaient d'un simple bonheur en famille.

 On m'avait pourtant prévenue... que les Hommes n’étaient pas une valeur sûre... Leur foi en l'amour m'avait attirée, leur capacité à faire face ensemble aux problèmes, leur bonté en temps de crise... Ils m'ont aveuglée. Ils sont capables du meilleur comme du pire. Pour eux, nous ne sommes là que pour leur faciliter la vie. Si une chose ne se passe pas comme prévu alors ils cessent de croire et nous mettent de côté, choisissant de nouveaux dieux, en créant d'autres, cherchant toujours plus de pouvoir.

 

Pourtant, je ne pouvais me résoudre à les abandonner. Une mère ne délaisse pas ses enfants, surtout quand ils sont perdus.

 Néanmoins, n'étant pas une divinité principale et à l'allure à laquelle les choses avançaient, j'étais vouée à l'oubli. Peu à peu, comme le feu fait disparaître la bougie, le détachement des Hommes me fit sombrer insensiblement. Même les femmes ne me sollicitaient plus. Elles étaient fortes et indépendantes, elles ne voulaient plus seulement être le centre d'un foyer, elles voulaient elles aussi du pouvoir. J'étais fière et triste à la fois. Sans m'en rendre compte, un jour, je n'étais plus là. Je ne pouvais que les observer dans l'ombre, j'ai rejoint ainsi le panthéon des dieux oubliés.

Je ne pouvais que souhaiter que tout se passe au mieux pour eux.

Qu'ils finissent par se souvenir que l'amour est plus doux que la guerre, qu'ils ne pourront jamais tout contrôler ; car      si les dieux finissent dans l'indifférence, les Hommes eux, finissent poussières.

 

 

FIN

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